tell me the story of your life. ❝ For a star to be born, there is one thing that must happen: a gaseous nebula must collapse. So collapse. Crumble. This is not your destruction. This is your birth.❞ Tirant comme il pouvait sur les manches de son costume, le petit garçon se sentait à l’étroit malgré la fabrique trop large pour lui. Il avait l’impression que le poids du tissu n’avait jamais été aussi lourd qu’en ce jour. Faisant face au cercueil, au reste de la défunte, le jeune Riga ne savait pas quoi dire, quoi faire. Debout à côté de lui, se trouvait sa grand-mère, forte, bien qu’elle était en train d’enterrer son unique enfant. Lui aussi voulait être fort, lui aussi voulait pouvoir s’élever comme sa Nonna et affronter la vie avec son mordant. Il voulait être fort comme son grand-père, parti des années plus tôt, il voulait avoir le cœur d’un combattant et les mains d’un soigneur. Il voulait être la force douce et apaisante tout en étant la force brute que l’on craint. Il voulait être aimé et aimer comme si le monde n’allait jamais lui reprendre les êtres qui lui étaient chère. Passant une main dans sa tignasse que sa Nonna avait domptée pour l’occasion, il n’en pouvait plus d’être le centre de l’attention, d’être sous le feu des projecteurs. Il voulait pouvoir consommer son deuil dans son coin, le vivre et puis l’oublier pour de bon. Sauf qu’il n’avait pas le droit, il ne pouvait pas échapper à cette veillée funèbre, il ne pouvait pas échapper à l’office funéraire qu’on allait faire. Il avait du mal à comprendre ce qui se passait sous ses yeux. Comment un gamin de huit ans aurait il pu comprendre ? Il ne pouvait pas imaginer que sa mère n’était plus là. Il ne pouvait admettre l’absence, la perte d’un être cher. Dans sa tête elle reviendrait. Peu importait le corps froid emprisonné entre six planches en bois. Elle reviendra. Il le savait, de toute manière elle lui avait promis de lui faire des pancakes en sortant de l’hôpital. Elle lui avait promis de l’emmener au parc, puis de lui apprendre à jouer de la guitare. Elle avait promis ! PROMIS ! L’air cessa de rentrer correctement dans ses poumons. Eduardo pouvait sentir l’oppression se refermer autour de son cou. Il pouvait sentir sa gorge se nouer alors qu’un sentiment qu’il avait senti bien peu de fois auparavant le prenait à la gorge. Les embruns lui montèrent aux paupières alors que son frêle cœur cessa de battre un instant. Sa mère était encore là, quelque part. Elle était là, cachée sous les draps, dans le placard de sa chambre à l’hôpital. Elle était là, avec ses joues si fine qu’elle pouvait imiter les poissons d’une manière que Eduardo n’avait jamais vue. Elle était là, il le savait. Il pouvait toujours la sentir lorsqu’il se faisait un bobo et que sa Nonna le soignait avec du désinfectant. Il pouvait la sentir alors qu’en allant au dentiste il voyait l’écriteau menant au service des mourants, des ombres vivantes, des patients qu’on disait en rémission et qui finalement son plus proche de la tombe que de leur maison.
Il voulait être fort, mais à quoi ça sert d’être fort ? Dix ans, quinze ans plus tard il continuera à pleurer sur sa tombe de temps en temps. Pour quoi tenir bon ? Pour quoi faire semblant ? Elle ne reviendra pas. Peu importe les années passées à attendre. Peu importe si son âme d’enfant est restée au pied de cette tombe. Peu importe s’il se souvient toujours de cette impression suffocante d’être à l’étroit dans son costume trop grand. Peu importe s’il se souvient des regards posés sur lui. Peu importait ! Le temps n’avait rien changé. Parce que le temps détruit et parce que le temps construit. Parce qu’aucun être à part n’est né de l’union de deux étoiles filants dans la même direction. Parce que les étoiles filantes sont faites pour disparaître au loin et peu importe à quel point leurs enfants cherchent à leur prendre la main.
❝ The greatest gift you can give someone is the space to be his or herself, without the threat of you leaving.❞ «
Qu’est-ce qui est si drôle monsieur je-sais-tout ? » Un sourire idiot aux lèvres, Eduardo haussa les épaules avant de porter lentement sa bière à ses lèvres. «
En fait, je ne sais pas vraiment. C’est juste que je t’imaginais plus rêver d’empire immobilier et de sac prada que de mission humanitaire. » Continuant à sourire bêtement, le brun posa ses prunelles océans sur la jeune femme, il la regarda partager son amusement avant qu’elle ne redevienne sérieuse. Il voyait à quel point elle pouvait être nerveuse, il sentait qu’elle n’était pas dans son élément. Il la voyait jouer avec sa bière sans trop savoir que faire, le brun avait l’impression de voir un oisillon en train de faire son premier vol. Elle était fébrile, incertaine et semblait avoir besoin qu’on l’aide. Dans le fond, elle était incertaine, il le sentait, elle voyait qu’on réprimait son rêve et avait du mal à rebondir. Elle, la flamboyante héritier de l’empire des Reale semblait si frêle à cet instant. Elle qui pourtant semblait en permanence défier le monde et imposer à ce dernier sa volonté. Eduardo était impressionné de voir ce pan de la personnalité de la belle, il ne s’attendait pas à tant de profondeur chez une fille de riche qui semblait posséder le monde. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle se montre si sensible, qu’elle se dévoile avec si peu de pudeur à lui, l’humble plombier ayant réparé l’évier de la cuisine de son palace. «
Je ne veux pas de la vie de mon père, je ne veux pas courir après l’argent. Je veux encore moins de la vie de ma mère, passer mon temps à dépenser un argent que je nai pas gagné. J’aimerais donner du sens à ce que je fais. J’aimerais avoir une raison d’être, faire quelque chose ayant une réelle signification. » Malgré lui, Eduardo était attendri par les mots de la jeune femme. Il ne s’attendait définitivement pas à ce que son potentiel coup d’un soir puisse être une jeune fille aussi cultivé et éveillé au monde extérieur que l’était l’héritier de la famille Reale.«
Avant d’aller sauver les enfants à l’autre bout de la terre, permets moi de te montrer par où commencer. » Descendant en une gorgée sa bière, il attendit qu’elle en fasse autant avant de lui montrer la sortie. C’est docilement et contre toutes attentes que la jeune femme le suivi en silence, sans lui demander où il se rendait. Elle le regarda faire lorsqu’il acheta quelques légumes et du pain à l’épicier de son quartier. Elle le regarda encore faire lorsqu’il se retrouva entouré par une horde d’enfant de ce quartier défavorisé de la ville. Elle ne bougea pas, osa à peine respirer lorsqu’il distribua ses maigres courses, s’assurant que chacun puisse obtenir une partie du butin. Ce n’était rien d’autre qu’une habitude pour le jeune Riga qui avait vu faire sa grand-mère avant lui. Il savait à quel point l’entraide était importante dans le quartier, à quel point ces gamins qu’il connaissait depuis leurs naissances faisaient autant partie de sa famille que les gens partageant son sang. C’était ça la seule et unique vérité aux yeux du brun. La famille avant tout. La famille envers et contre tout. Le sang n’a rien à faire dans cette histoire, la famille on la choisi, on se la crée. Achevant son tour de force, persuadé que son couplet du beau garçon ténébreux altruiste allait achever la progéniture des hauts quartiers qu’il avait ramené il lui offrit un sourire éclatant. «
J’imagine que chez toi ce n’est pas monnaie courante ce genre de spectacle. » «
Contrairement à ce que tu crois, j’ai déjà vécu cette situation plus d’une fois, sauf qu’il s’agissait d’une paires de Louboutin que les gens s’arrachaient et non de quoi se nourrir. » C’est alors que la jeune femme lui offrit un de ces sourires qui veut tout dire. Un sourire qui dit merci, un sourire qui comprend, un sourire qui apprend. Ce légèrement étirement des lèvres qui semble traduire tout le ressenti qu’elle pouvait éprouver face à ce qu’elle venait de voir. Ce n’était trois fois rien, pourtant dans son sourire on pouvait voir que c’était beaucoup. A croire qu’Eduardo venait de lui offrir une leçon de vie, à croire qu’il lui avait éclairé le chemin et qu’elle savait vers où se diriger désormais. Intimidé par ce sourire, par cette aura que la belle semblait avoir, il passa une main dans ses cheveux, ébouriffant sa tignasse indomptable avant de dire : «
Sans vouloir être rude, je pense qu’il est temps que je te ramène à ta demeure cendrillon, ton carrosse va bientôt se transformer en citrouille... Puis je n'ai pas envie d'avoir l'air pressant en t'invitant chez moi pour continuer notre conversation du bar. Cependant, si on a le plaisir de se revoir, j'aimerais entendre plus parler de tes rêves. » Riant légèrement, la belle hocha la tête alors qu’ils se dirigeaient tous les deux vers la moto du brun le coeur aussi lourd l'un que l'autre.
❝ I did get lost but I wanted someone to find me.❞ Il sentit l’impact du choc se répandre dans les os de sa main. Il sentit la douleur vive qui ankylosa ses doigts l’espace d’un instant. Il avait aussi senti le nez de son adversaire craquer sous l’impact du choc. Le cri que ce dernier laissa échapper n’avait rien d’humain, il s’agissait juste d’une plainte douloureuse poussé par un animal qui ne voulait pas être abattu. C’est alors que sans prévenir le blond lui faisant face lui envoya une droite en pleine arcade sourcilière. Reculant de quelques pas, il sentit les mains d’inconnus le pousser au centre de ce ring improvisé. Désorienté, il s’écrasa au sol sans s’en rendre compte. Il ne lui fallu perdre ses repères qu’une seule seconde pour que le pied de son adversaire ne s’écrasa dans son estomac lui faisant recracher de la bile. «
Giovane lupo ! Clama en cœur la foule qui était venue car elle voulait du sang. Se remettant difficilement sur ses pieds, Eduardo reconnaissait à peine la ruelle sombre napolitaine dans laquelle il se battait. C’est sans réfléchir qu’il se jeta sur le blondinet au sourire arrogant. L’entrainant dans sa chute il l’immobilisa au sol avant de laisser la rage qu’il gardait enfouie au plus profond de lui se déverser à travers ses poings.
C’était pour les adieux qu’on l’avait forcé à prononcer. Les gens partis trop tôt qui n’ont pas regardé en arrière pour voir s’il allait survivre sans eux. C’était pour cette chienne de vie qui ne cessait jamais de le mettre à genoux. C’était pour ce père absent qui abandonna le navire. C’était pour la pression sur ses épaules malgré son jeune âge. C’était pour ce formateur militaire qui lui disait qu’il n’arriverait jamais à rien dans sa vie. C’était pour eux. Pour eux et pour les ténèbres dans sa tête. Cette obscurité dont il ne pouvait se défaire. Incapable de comprendre ce qui était en train de se produire, il se débattait comme un fou contre les mains l’ayant forcé à se relever. Il se débattait comme un beau diable contre les personnes du public l’ayant empêché de finir ce pauvre allongé au sol, ce gars qui aurait pu être lui. Se rendant compte de ce qui se passait, il se laissa tirer en arrière et éloigner du pauvre blondinet qui venait certainement de ravaler son sourire arrogant. La clameur ne diminua pas, elle était à son comble, il sentait l’adrénaline consumant ses veines battre au rythme de ses pulsations cardiaques. Il en voulait plus. Il voulait encore se battre. Il voulait encore sentir cette excitation et voir le sang coulé, peu importait à qui il appartenait, ça ne faisait aucune différence si c’était le sien. «
Tiens, la part du vainqueur, rentres maintenant. » Souffla l’organisateur de ce tournoi des plus illégal.
Les yeux perdus dans le vide, assis à même le bitume de la rue, la première chose qu’il vit fut ses talons. Posant ses yeux hagards sur la jeune femme, il remarqua à peine sa robe de cocktails et son maquillage délicat. Elle faisait tâche. La jeune femme faisait tâche dans le paysage urbain. Elle n’avait rien à faire là, à trainer entre les poivrots et les rats. Elle appartenait à un autre monde, à un ailleurs plus beau où tout semblait plus aisé. Néanmoins, elle s’abaissa pour regarder Eduardo dans les yeux avant de poser une de ses mains sur une de ses joues recouvertes de sang. Le brun tressailli à peine à ce contact. «
Il va falloir désinfecter ça. » Souffla la brune sans rien ajouter, sa voix monocorde et exempt de toute émotion. «
Je savais pas qui appeler. » Dit il avant qu’elle ne puisse esquisser un mouvement. «
Je ne savais pas qui appeler. » Répéta-t-il comme s’il cherchait à se justifier. Sa grand-mère n’aurait certainement pas pu venir le chercher, pas à son âge, pas dans cet état. Son père n’était pas là, n’avait jamais été là et ça mère n’était plus depuis longtemps. C’était
son numéro à elle qui s’était affiché en premier dans son téléphone. C’était à elle qu’il avait directement pensé. Plantant son regard trouble dans les yeux de la jeune femme, il percevait à peine les tourments dans lesquels il s’apprêtait à la plonger. Il savait juste qu’il mourrait d’envie de l’embrasser et qu’il espérait que le désir fut réciproque. «
Je te ramène chez toi et ne t’inquiète pas pour moi, je ne faisais rien d’important. » Mentit elle sans ne serait-ce que ciller. Il avait remarqué sa robe de soirée, son parfum capiteux et le maquillage délicat, mais marqué, qu’elle portait. Il n’était pas idiot, mais il voulait bien fermer les yeux, pour cette fois, ne pas douter de ce qu’elle lui disait l’accepter. Laissant ses paupières lourdes de sommeille se refermer lourdement l’espace d’une seconde, il prit une longue inspiration en espérant pouvoir faire repartir la mécanique de son cœur qui sonnait faut depuis qu’il l’avait rencontré. Il sentit ses lèvres douces et avant de comprendre posait déjà ses mains sur sa taille menue pour l’attirer à lui. La douleur qui explosa à la base de sa mâchoire n’avait d’égale que la chaleur qui consumait ses entrailles. Ils étaient là, deux amants perdus, échoués au milieu de nulle part. Lui le poivrot qui semblait sortir d’une bagarre de bar et elle l’étoile filante qu’on venait surement d’arracher au planche d’un énième show d’hypocrite au sommet. Ils n’avaient rien à faire ensemble. Rien du tout, peut-être est-ce pour ça que le temps sembla s’arrêter sous le crâne du brun. A croire qu’il cherchait à figer cette erreur de la nature, s’assurer qu’à jamais il se remémorera cet accident de parcours qui n’aurait jamais du se produire.
❝ It’s a lot easier to be angry at someone than it is to tell them you’re hurt.❞ Sa respiration était lourde. Il pouvait sentir le souffle de la jeune femme s’écraser sur ses lèvres alors que perdu les yeux dans les yeux, leur visage à quelques centimètres l’un de l’autre il luttait silencieusement contre eux-mêmes. Dans la pénombre de la pièce, des débris de verre au sol, la pièce semblait avoir été retournée par un ouragan, mais ils s’en fichaient. Perdu dans le regard de l’autre, pour un instant ils occultaient le reste du monde, ils ignoraient la cause de leur dispute, ils ignoraient rien qu’un instant l’éclat de colère dont avait été pris le brun, ils ignoraient la peur qu’avait éprouvé la brune. Rien qu’un instant, ils dépassaient les limites de cette relation malsaine qui les liait, de cet amour qu’ils partageaient et les tuait. Rien qu’un instant encore il faisait comme si rien ne s’était produit et ça leur suffisait. Dans un instant, peut-être qu’il allait remettre le sujet sur le tapis, lui dire qu’il en avait marre de devoir cacher leur relation. Lui dire que si elle avait honte de lui elle n’avait qu’à passer cette porte. Dans un instant, peut-être qu’elle lui répondra qu’il se fait des films, qu’elle s’en ira pas, peu importait à quel point il pouvait la repousser. En attendant, ils se dévoraient du regard, encore pris dans l’œil du cyclone, peu désireux de traverser vents et marées pour retrouver le rivage. Craquant le premier, il enroula ses bras atour de la taille de la brune, la tirant contre lui avant d’enfouir sa tête dans le creux du cou de la jeune femme. S’imprégnant de son odeur, comme s’il craignait de la voir partir, il ferma les yeux en sentant la belle passer délicatement une de ses mains dans ses cheveux. Se laissant bercer par ce contact apaisant, il avait l’impression de pouvoir tout oublier dans cette position. Oublier ses peurs, ses doutes. Oublier pourquoi il s’était mis à crier, pourquoi il avait explosé. Dans cette position il pouvait oublier la pression, ce boulot qu’il n’aimait pas tant que ça finalement, oublier ce qui n’allait pas et se concentrer sur ce qui allait. En douceur, sans un mot, pleine d’une expertise venue avec l’habitude, la belle poussa Eduardo à se remettre sur ses jambes. Le brun refusait de bouger, refusait de lâcher la jeune Reale et lui donner l’opportunité de lui filer entre les doigts. Bataillant comme elle pouvait, elle arriva tant bien que mal à le pousser jusqu’à son lit. C’est dans un dernier effort qu’elle arriva à le pousser sur le matelas, le suivant dans sa chute, toujours prisonnière de ses bras. Raffermissant sa prise, Eduardo roula sur son flanc afin de se retrouver au dessus de la brune, l’empêchant le moindre mouvement. Elle ne pouvait que le serrer en retour, lui rendre cette étreinte qu’il lui offrait à corps perdu. «
Je t’aime. » Murmura plein de cette peur de la perdre. Plein de cette douceur et de ce doute dans lequel il se trouvait. Ces quelques mots la firent fondre. Elle n’y pouvait rien, elle était faible face à lui et peu importait à quel point il pouvait essayer de la repousser, hausser le ton de sa voix, quand il lui disait des choses comme celle-là elle se sentait encore plus prisonnière de son emprise.