MATTEO ↔ Chi non risica non rosica.

tell me the story of your life.
MATTEO ! MAIS QU'EST-CE QUE TU ES EN TRAIN DE FAIRE ?
Le début de ma vie pourrait essentiellement se résumer à cette phrase, celle dont ma mère et mon père m'ont seriné des années durant. A savoir, celles de mon enfance. Imaginez donc Ratatouille pris en faute quand il mettait un ingrédient dans une soupe pour la rendre encore meilleure ; et bien c'était tout moi. Autant dire que la première fois m'a valu la correction de ma vie. La seconde, on commença à me laisser le bénéfice du doute que le hasard ne m'avait pas porté chance. Par la suite, que j'avais sans doute hérité de l'instinct culinaire de la famille.

MATTEO ! MAIS QU'EST-CE QUE TU ES EN TRAIN DE FAIRE ?
Ça, ce fut encore une fois ma mère qui venait de me surprendre en train d'embrasser un garçon sur la bouche. J'avais 5 ans, alors autant dire que cela ne voulait strictement rien dire de plus que... je t'aime bien, t'es mon copain. Sauf que les lèvres en "o" de ma mère et ses traits horrifiés terminèrent de m’ôter toute envie de recommencer après la gifle qui heurta ma joue et la fessée qui suivit.

MATTEO ! MAIS QU'EST-CE QUE TU ES EN TRAIN DE FAIRE ?
Là, c'est mon père, sur le palier de ma chambre, qui me fixe comme si j'étais un extraterrestre. Pour sa défense, j'avais enjambé la rambarde de la fenêtre, donnant l'impression d'être à cheval dans la position que j'adoptais d'avoir été pris en faute. Comment dire... j'avais décidé d'aller à une soirée alors que je n'avais que 13 ans, mes copains m'attendant en bas de chez moi, armés de leur vespa.

MATTEO ! MAIS QU'EST-CE QUE TU ES EN TRAIN DE FAIRE ?
Là c'est mon oncle qui m'attrape par le bras et me jette en dehors de la chambre de sa fille. Ben quoi ? Faut savoir... j'ai pas le droit de jouer à touche pipi avec les garçons, alors pourquoi pas ma cousine ? En plus, elle est plutôt jolie et c'est elle qui avait commencé à coller ses lèvres contre les miennes, à passer ses doigts dans mes cheveux. Elle avait 15 ans, j'en avais 14, la naissance de notre libido nous titillait, il n'y avait là rien de bien surprenant. Sauf que voilà, nouvelle leçon de la vie : on ne touche pas aux garçons, mais aussi à sa cousine.


Autant dire que je n'étais pas l'enfant ni l'adolescent le plus sage du monde. Non, j'avais pour habitude de tester, d'essayer, de vivre ma vie, mais on peut affirmer que j'avais tout de même bien appris certaines de mes leçons, à croire que répéter les choses, et bien cela fonctionne assez bien. Mais pour reprendre depuis le début, disons que je suis né dans une famille conservatrice, affiliée à ce parti politique et étant de classe moyenne. Il n'y a à vrai dire rien de particuliers à raconter sur mon enfance qui fut plutôt heureuse, révélant ma nature audacieuse et rebelle dans l'âme. Je sortais dans le dos de mes parents, me faire prendre une fois ne m'avait pas empêché de recommencer, juste d'affiner mes méthodes. Je jouais au foot avec mes amis. Je cuisinais tout ce qui me tombait sous la main, et ce fut tout naturellement que ma route m'entraina vers ce métier particulier. C'était une voie plutôt chronophage, mais c'était bien le dernier de mes soucis, j'adorais ça, passer des heures à cuisiner, à inventer une nouvelle recette, à en moderniser une ancienne.


« Nous deux, ça fonctionne pas. » Les mots s'envolèrent de mes lèvres comme la sentence d'un tribunal et le marteau frappant le bureau pour clôturer la séance. Comme par un fait exprès, il pleuvait aujourd'hui, histoire de faire de la scène que nous partagions le plus grand cliché que le cinéma n'ait jamais fait. J'étais là, sur le pas de sa porte, elle, sortie parce que je lui avais demandé si nous pouvions parler. Ses lèvres venant naturellement ébaucher les miennes, comme sous le dernier baiser que je lui autorisais. Le dernier parce que quelque chose clochait ; ça ne fonctionnait pas, je venais de le lui dire. Elle était belle pourtant, mes doigts avaient arpenté ses courbes mille fois, mes lèvres trébuchés contre les siennes des milliers de fois, nos doigts s'entrelaçant un bon milliard de fois. Mais... « Comment ça ça fonctionne pas ? Tu te fous de moi Teo ? On avait prévu de se fiancer, de se marier ! » Sa voix était accusatrice, je voyais ses doigts trembler alors que j'avais fui son regard comme un lâche, incapable de percevoir les larmes qui les effleuraient déjà. Nous. On avait commencé à faire des projets, à imaginer le monde de notre point de vue, à redessiner les nuages sous ce qu'on pensait être nos futurs. Je le savais, j'avais déconné, cherché à dissimuler le malêtre que je ressentais derrière un bonheur presque parfait et idéal. Un foutu mensonge qui me donnait la nausée petit à petit. Peut-être que j'avais cherché à me convaincre que je l'aimais plus que comme une amie parce qu'elle aurait dû être celle que je devais aimer. A vrai dire, je n'en savais rien, elle n'avait rien à se reprocher, c'était moi la roue bancale dans l'histoire, la roue voilée qui déconnait à plein tube. « Je sais. J'ai déconné... c'est pas toi, c'est m... » La gifle que je n'avais pas vu venir parce que j'avais fini par regarder une flaque qui commençait à se former à l’abri de l'avancée, sous les gouttes passagères qui tombaient sous un ploc monotone et régulier. Cette gifle percuta ma joue sous un bruit sec. « Arrête ça tout de suite ! Je ne suis pas une pauvre conne qui a besoin de tes salades ! » Vu le regard qu'elle me lançait à cette seconde, je n'osais même pas ouvrir les lèvres pour lui proposer de rester amis. Nous nous connaissions assez bien pour savoir qu'elle ne le supporterait pas et que je n'étais pas assez salop pour lui imposer une chose pareille. Du moins dans un premier temps, peut-être plus tard, mais pour l'instant il en était juste hors de question. « C'est qui ? » Sauf que la suite de ses paroles m'apparut complètement aberrante. C'est qui ? « Il n'y a pers... » Une nouvelle gifle tenta d’atterrir sur ma joue, mais j'interceptais son poignet avant que sa main n'atteigne son but. « Personne. » « Lâche-moi ! » S'énerva-t-elle en cherchant à se libérer, mais elle devenait histérique, complètement folle, aussi termina-t-elle dans mes bras, enserrée, enlacée, son dos contre mon torse, mes mains maintenant ses poignets, mon visage contre sa joue, mon souffle sur sa gorge. A cet instant, elle fondit en larme, délicieuse fontaine à laquelle je murmurais ce... « Je suis désolé... vraiment désolé. C'est moi. Juste moi. »


On est finalement resté ami, comme si cela devait se terminer comme ça. On couche encore ensemble, de temps à autre. Mais je n'arrive pas à savoir ce que je veux, ce qui cloche chez moi. Alors je bois un peu trop durant les soirées, je couche, je délire, je cuisine... Depuis, j'ai même fini par acquérir mon propre restaurant grâce à l'héritage de mon grand-père. Bien sûr, il n'est pas bien grand, pas bien réputé, situé dans un petit repli du centre de Naples où l'on n'entend pas l'agitation de la ville. Comme un petit refuge que seuls les connaisseurs connaissent. Et cela fonctionne comme cela, par le bouche à oreille, alors que je vis en toute simplicité mon existence.